LE GRAND VÉFOUR

LE GRAND VÉFOUR

Joyau de l’art décoratif du XVIIIe siècle, le Grand Véfour est le haut lieu gastronomique de la vie politique, artistique et littéraire de Paris depuis plus de 200 ans.

Guy Martin

Le Chef Guy Martin un artiste au Grand Véfour

Sa cuisine, empreinte de poésie, d’insouciance et de générosité, vous fera vagabonder sur les chemins buissonniers du plaisir culinaire. Chaque plat où se mêlent tradition et modernité est une découverte et une incitation aux rêves que vous partagerez.

Fils de Savoyard, autodidacte et homme de passion, Guy Martin, s’émerveille de tout et nourrit son inspiration par des sources aussi diverses qu’étonnantes : souvenirs de voyages, couleurs, senteurs, sensations, émotions, lui inspirent des recettes classiques, inventives et gaies aux associations goûteuses et aux saveurs délicates.
Guy Martin

Œuf Bio mollet sur une fine purée de fenouil, mangue et noix de coco acidulées

L’oeuf, à la texture onctueuse, se fond avec le fenouil légèrement sucré et anisé, relevé par une pointe acidulée

Guy MartinGuy Martin

 

Ravioles de foie gras de canard, crème foisonnée truffée

Le foie gras de canard, à la saveur rustique, astringent, franc et soutenu s’adoucit d’un nuage de crème foisonnée truffée,

dont le goût rappelle celui de la noisette (truffe)

Guy Martin Guy Martin

 

Filet de bœuf, fine purée de carotte jaune relevé au gingembre, jeunes carottes et blettes. Jus à l’ail des ours

Le filet de bœuf, morceau le plus tendre de la viande de bœuf, mais pas forcément celui qui a le plus de goût au naturel, s’équilibre avec goût particulièrement sucré de la carotte jaune relevé par un pesps de gingembre. Tandis que le jus à l’ail des ours, a la saveur florale, plus raffinée et moins piquante que celle de l’ail apporte un supplément de gourmandise.

Guy Martin Guy Martin  Guy Martin

 

Homard bleu rôti, asperges vertes, jus de crustacés, condiment de citron

Le homard bleu, met raffiné, avec son agréable goût aromatique, délicat et légèrement sucré est relevé par la saveur tout aussi délicate jus de crustacés.

Guy Martin Guy Martin

 

Pinã colada, tartare d’ananas, rhum-citron vert, tuile aux piments d’Espelette

La Pinã colada, savant mélange d’ananas, de noix de coco et de rhum, offre un équilibre parfait entre le rhum et les fruits pour obtenir un sorbet velouté et généreux, réhaussé de l’arôme subtil, doux, et fruité du piment d’Espelette

Guy Martin Guy Martin
Le + : Aux beaux jours (ou à la belle saison), une terrasse donnant sur les jardins du Palais Royal vous accueille sous les parasols.

L’HISTOIRE DU GRAND VÉFOUR

Quel promeneur, flânant sous les galeries somnolentes du Palais-Royal, ne s’est jamais senti irrésistiblement attiré vers la galerie de Beaujolais, où brille Le Grand Véfour, joyau de la restauration parisienne, encore tout bruissant des joyeux échos qui ont animé le Palais Royal pendant plus d’un siècle ? Ce restaurant, haut lieu de la gastronomie parisienne, présente le cas à peu près unique de subsister dans le décor ancien où des milliers de gourmets se sont attablés depuis les années 1784-1785. Au mépris de l’évolution géographique des plaisirs parisiens, il a traversé le temps avec charme et dignité, et conserve son aura aux yeux des gastronomes du monde entier.

Plantons le décor ! Occupant toute la largeur du péristyle de Joinville, avec un retour sur la rue de Beaujolais, l’établissement ouvre sur les jardins par trois arcades. L’enseigne « Café de Chartres », qui figure sur la façade côté jardin, porte le nom de l’établissement qui a précédé Le Grand Véfour ; appellation choisie pour honorer le duc de Chartres, fils aîné de Louis d’Orléans, celui qui entreprit le lotissement du Palais-Royal et père du futur Philippe Egalité, dernier propriétaire du Palais avant la Révolution.

La porte franchie, nous voilà transportés deux cents ans arrière ! Ornée de délicates boiseries sculptées de guirlandes de style Louis XVI, l’entrée donne accès à deux salles ; aux murs, les glaces alternent avec les fameuses toiles peintes fixées sous verre. Inspirés des fresques pompéiennes du style néo-classique si prisé sous l’Empire, les thèmes de la décoration – gibier, poissons, fleurs et femmes aux paniers fleuris – éveillent la gourmandise des convives. Au plafond, rosaces et guirlandes en stuc encadrent des allégories de femmes, peintes sur la toile à la manière des plafonds italiens du XVIII° siècle. A l’entresol, une vaste salle ornée de boiseries du même siècle peut accueillir de nombreux convives.

L’origine de ce lieu où naîtra le prestigieux restaurant remonte au XVII° siècle. Pour se rapprocher d’Anne d’Autriche, qui réside au Louvre, Richelieu a fait édifier sur l’emplacement actuel du Palais-Royal un somptueux palais, appelé le Palais-Cardinal, entouré de jardins, œuvre de l’architecte Lemercier. A la mort du cardinal, le palais légué à Louis XIII et à ses héritiers échoit à Louis XIV, qui a fait don à son frère, Philippe d’Orléans. Son fils devenu régent en 1715, entreprend de grands remaniements et modifie les jardins qu’il ouvre au public. Le quartier du Palais-Royal jouit aussitôt d’une vogue qui ne cessera de s’amplifier tout au long du siècle. Le voisinage du Régent n’est sans doute pas étranger à la faveur que connaissent les jardins auprès des Parisiens. Esthète, Philippe d’Orléans attire une foule distinguée aux fêtes somptueuses qu’il donne dans son palais. Gourmet, il trie sur le volet les élus dignes de participer à ses soupers très intimes. C’est précisément dans cette période de la fin du XVIII° siècle que la cuisine française atteint son apogée dans les maisons aristocratiques où l’opulence et le raffinement vont de pair. Dans les jardins très fréquentés du Palais-Royal s’installent des baraquements où il se fait une consommation prodigieuse de glaces aux parfums exotiques, de boissons et de rafraîchissements à la mode, comme le punch.

Quelques années plus tard, le nouvel occupant du palais, Louis-Philippe Joseph, Duc d’Orléans, dit Philippe Egalité, celui-là même qui votera la mort de son cousin Louis XVI, mène grand train. Il se trouve à court d’argent, et l’idée lui vient alors de lotir les jardins de son palais. En 1781 commence une fantastique opération de spéculation immobilière : la construction des galeries de Montpensier, de Beaujolais et de Valois qui entourent les jardins sur trois côtés. Ces galeries de pierre sont reliées par les galeries de bois, remplacées aujourd’hui par la galerie d’Orléans, qui jouissaient de la réputation flatteuse d’être « le rendez-vous de tous les crocs (voleurs), escrocs, filous, mauvais sujets dont abondait la capitale », sans compter les nombreuses « fleurs vivantes qui gagnaient à être connues », logées à l’entresol ! La Montansier, directrice du théâtre de Versailles, possède elle-même dix-sept arcades dont deux sont louées à un établissement de prostitution. En 1784, l’ensemble monumental construit par Louis, l’architecte du théâtre de Bordeaux, et du Théâtre-Français, à Paris, est terminé. Le Palais-Royal, détrônant définitivement le Marais, devient le plus brillant aimant de la vie parisienne et surtout le berceau de la gastronomie française. Les galeries sont publiques ; on peut y circuler en toute impunité jusqu’à une heure avancée de la nuit car le puissant propriétaire des lieux a pris soin d’en interdire l’accès à la police.

De conception très moderne, les soixante pavillons édifiés autour des jardins doivent être loués à des commerçants, qui exploiteront les boutiques sous les arcades, et à des particuliers qui logeront dans les étages. Occupant la largeur de trois arcades, chaque pavillon s’élève sur quatre niveaux. Les amateurs de bons placements se précipitent sur cette manne providentielle dans l’espoir de faire rapidement de bonnes affaires grâce à la clientèle potentielle qui fréquente les jardins.

Le 4 mai 1782, le sieur Aubertot, limonadier de son état, loue sur plan une maison au duc d’Orléans, pour la somme de 14 000 livres par an. L’emplacement qu’occupe aujourd’hui Le Grand Véfour est judicieusement choisi pour lui assurer des chalands fidèles puisqu’il se trouve juste en face du théâtre des Petits Comédiens du comte de Beaujolais qui appartient au troisième fils du duc d’Orléans. Sitôt achevée la construction des pavillons, Aubertot ouvre en 1784 un café à l’enseigne du café de Chartres.

L’opération fut-elle moins rentable qu’il n’avait espéré ? En 1787, pour 300 000 livres, Jean-Baptiste Fontaine achète au duc d’Orléans, contraint à la vente du lotissement par de nouvelles difficultés financières, la maison louée par Aubertot et reprend le fonds du limonadier pour 40 600 livres. Il ne reste au locataire malchanceux qu’une petite chambre sous les combles ! Pourtant, le Café de Chartres était honorablement connu puisqu’il figurait en 1785 dans l’Almanach du Palais-Royal utile aux voyageurs : « Une nombreuse et bonne société se réunit dans ce vaste local pour y lire des papiers anglais et allemands », selon une mode venue d’outre-Manche.

« Les gens d’affaires viennent consommer et jouer aux dames et aux échecs, les étrangers distingués ne manquent pas de s’y installer. » C’est un café chic, les prix en témoignent : « Ils sont aussi élevés que chez son célèbre voisin, le Café du Caveau où l’on paie six sous pour une prétendue tasse de moka quand on a une excellente tasse pour cinq sous au café du Pont-Saint-Michel, mais nous sommes au Palais-Royal ! » ironise Mayeur de Saint-Paul dans son Tableau du Nouveau Palais-Royal, paru en 1788. Il est de bon ton de s’y montrer et l’on y parle beaucoup de politique : au Palais-Royal fermentent toutes les idées qui mèneront la France à la Révolution. Pourtant, Paris ne manque pas d’autres cafés. Sébastien Mercier, le chroniqueur truculent de la fin de l’Ancien Régime, en dénombre pas moins de six cents dans la capitale mais ceux du Palais-Royal, les plus cotés, attirent la clientèle huppée.

L’entreprise de lotissement du Palais-Royal osée par Louis-philippe joseph d’Orléans a rencontré un vif succès auprès des Parisiens. Et ce coup de poker a merveilleusement réussi au bon vivant qu’est le propriétaire des lieux. Qu’on en juge : non seulement ses problèmes d’argent sont résolus, mais il a réussi à créer à proximité de son palais le centre d’animation le plus vivant de Paris, où tous les plaisirs s’offrent à l’amateur : maisons de jeux, cabinets très particuliers, cafés sélects et bientôt les premiers grands restaurants, lancés par la mode du « déjeuner à la fourchette. Cette concentration de la haute restauration parisienne fera beaucoup pour asseoir la suprématie de la cuisine française dans le monde : « Lorsque l’Europe en armes se rua tout entière contre la France, tous les chefs de cette multitude n’avaient qu’un seul cri d’attaque : Paris ! Paris ! Tel fut le cri qu’ils poussèrent des bords du Rhin aux rives de la Seine. A Paris, que demandaient-ils tout d’abord ? Le Palais-Royal ! Au Palais-Royal, quel était leur premier désir ? Celui de se mettre à table chez les restaurateurs, dont ils citaient les noms glorieusement venus jusqu’à eux », écrit Eugène Briffault, l’auteur de Paris à Table, ouvrage qui retrace l’histoire des moeurs alimentaires des Français.

D’ailleurs, le terme de restaurant pour désigner un établissement qui offre au client de la nourriture ne date que du XVIII° siècle ; auparavant, il qualifiait de simples bouillons « restaurants ou revigorants ». Aussitôt apparue, la vogue des restaurants s’amplifie grâce aux Assemblées législatives, qui obligent les députés venus de province à se restaurer avant les séances de l’après-midi, et à la rage d’imiter les anglais qui ont l’habitude de prendre leurs repas dans les tavernes. Entre 1770 et 1789, une centaine de restaurants voient le jour à Paris. Il existait bien auparavant dans la capitale des tables d’hôte et des traiteurs convenables, mais aucun restaurant qui puisse offrir au client un repas à la carte, à toute heure du jour, dans un cadre agréable. L’honneur d’avoir inauguré le premier établissement de luxe à Paris revient à Antoine Beauvilliers, ancien cuisinier du prince de Condé et du comte de Provence, tous deux réputés pour le raffinement de leur « bouche ». En 1788, il achète une maison dans la galerie de Valois, à quelques mètres du Café de Chartres. Pendant quinze ans, le restaurant de Beauvilliers le Magnifique restera le plus illustre, malgré la Révolution qui gronde jusqu’au cœur du Palais-Royal et malgré les nombreux imitateurs qui s’installent à proximité.

Les affaires de Fontaine, propriétaire du Café de Chartres, marchaient bien puisqu’en 1791, quatre ans après son installation et malgré la période troublée, il demande l’autorisation de planter une tente dans les jardins pour agrandir son café et abriter sa clientèle. Poussé par les succès du déjeuner à la fourchette, il sert désormais des mets délicieux qui lui assurent une place honorable parmi les jeunes lions de la restauration – le Bœuf à la Mode, Méot et les Frères Provençaux – et lui attirent une clientèle de gourmets qui s’ajoute à celle des hommes politiques.

Les cafés du Palais-Royal sont devenus des lieux de conspiration et le Café de Chartres devient le quartier général des ultras qui, après Thermidor, organisent des battues contre les jacobins qui se risquent alentour. Par vocation politique, le Café de Chartres sera d’ailleurs toujours dans l’opposition : on lui donne même le surnom de Café des Canonniers ! L’Empire puis les Alliés font du Palais-Royal la « Capoue de la France » : en 1815, les galeries abritent quinze restaurants, vingt cafés, dix-huit maisons de jeux où les Alliés remboursent allègrement les indemnités de guerre versées par les Français – Blücher y perd 15 000 francs en un soir ! -, onze monts-de-piété qui secourent les joueurs malchanceux, et les nombreuses maisons de prostitution des entresols. Le Café de Chartres bénéficie de cette prospérité : les fins gourmets défilent dans ses salons, Murat, le duc de Berry, Rostopchine, et les chantres de la gastronomie : Grimod de la Reynière (cf. Jean-Claude Bonnet, p. 83), père de la chronique gastronomique, Brillat-Savarin, doctrinaire de La Physiologie du goût (cf. Pascal Ory, p. 89), et Berchoux, le poète. Néanmoins, la concurrence est rude sous la galerie de Beaujolais. Les Frères Provençaux, installés en 1786, qui rivalisent avec Véry, établi en 1808, sont réputés les meilleurs. Au Café de Chartres, deux propritaires, Charrier puis Moynault, succèdent à Fontaine avant l’arrivée de Jean Véfour qui fera la gloire de l’établissement, rebaptisé de son nom.

.
Guy Martin
Du mardi au samedi, au déjeuner de 12h15 à 13h45, et au diner au premier service à 19h00, ainsi qu’au deuxième service à 21h30 dans la salle historique, terrasse jardin du Palais Royal ou la terrasse péristyle.
Fermeture annuelle estivale du 30 Juillet au 22 Août 2023 inclus. 
* Service voiturier disponible
17 Rue de Beaujolais, 75001 Paris
01 42 96 56 27

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LE GRAND VÉFOUR
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LE GRAND VÉFOUR Joyau de l’art décoratif du XVIIIe siècle, le Grand Véfour est le haut lieu gastronomique de la vie politique, artistique et littéraire de Paris depuis plus de 200 ans. Le Chef Guy Martin un artiste au Grand Véfour Sa cuisine, empreinte de poésie, d’insouciance et de générosité, vous fera vagabonder sur les […]

LE GRAND VÉFOUR
Christel Engström
GASTRONOMIE
Christel Engström

LE GRAND VÉFOUR

Joyau de l’art décoratif du XVIIIe siècle, le Grand Véfour est le haut lieu gastronomique de la vie politique, artistique et littéraire de Paris depuis plus de 200 ans.

Guy Martin

Le Chef Guy Martin un artiste au Grand Véfour

Sa cuisine, empreinte de poésie, d’insouciance et de générosité, vous fera vagabonder sur les chemins buissonniers du plaisir culinaire. Chaque plat où se mêlent tradition et modernité est une découverte et une incitation aux rêves que vous partagerez.

Fils de Savoyard, autodidacte et homme de passion, Guy Martin, s’émerveille de tout et nourrit son inspiration par des sources aussi diverses qu’étonnantes : souvenirs de voyages, couleurs, senteurs, sensations, émotions, lui inspirent des recettes classiques, inventives et gaies aux associations goûteuses et aux saveurs délicates.
Guy Martin

Œuf Bio mollet sur une fine purée de fenouil, mangue et noix de coco acidulées

L’oeuf, à la texture onctueuse, se fond avec le fenouil légèrement sucré et anisé, relevé par une pointe acidulée

Guy MartinGuy Martin

 

Ravioles de foie gras de canard, crème foisonnée truffée

Le foie gras de canard, à la saveur rustique, astringent, franc et soutenu s’adoucit d’un nuage de crème foisonnée truffée,

dont le goût rappelle celui de la noisette (truffe)

Guy Martin Guy Martin

 

Filet de bœuf, fine purée de carotte jaune relevé au gingembre, jeunes carottes et blettes. Jus à l’ail des ours

Le filet de bœuf, morceau le plus tendre de la viande de bœuf, mais pas forcément celui qui a le plus de goût au naturel, s’équilibre avec goût particulièrement sucré de la carotte jaune relevé par un pesps de gingembre. Tandis que le jus à l’ail des ours, a la saveur florale, plus raffinée et moins piquante que celle de l’ail apporte un supplément de gourmandise.

Guy Martin Guy Martin  Guy Martin

 

Homard bleu rôti, asperges vertes, jus de crustacés, condiment de citron

Le homard bleu, met raffiné, avec son agréable goût aromatique, délicat et légèrement sucré est relevé par la saveur tout aussi délicate jus de crustacés.

Guy Martin Guy Martin

 

Pinã colada, tartare d’ananas, rhum-citron vert, tuile aux piments d’Espelette

La Pinã colada, savant mélange d’ananas, de noix de coco et de rhum, offre un équilibre parfait entre le rhum et les fruits pour obtenir un sorbet velouté et généreux, réhaussé de l’arôme subtil, doux, et fruité du piment d’Espelette

Guy Martin Guy Martin
Le + : Aux beaux jours (ou à la belle saison), une terrasse donnant sur les jardins du Palais Royal vous accueille sous les parasols.

L’HISTOIRE DU GRAND VÉFOUR

Quel promeneur, flânant sous les galeries somnolentes du Palais-Royal, ne s’est jamais senti irrésistiblement attiré vers la galerie de Beaujolais, où brille Le Grand Véfour, joyau de la restauration parisienne, encore tout bruissant des joyeux échos qui ont animé le Palais Royal pendant plus d’un siècle ? Ce restaurant, haut lieu de la gastronomie parisienne, présente le cas à peu près unique de subsister dans le décor ancien où des milliers de gourmets se sont attablés depuis les années 1784-1785. Au mépris de l’évolution géographique des plaisirs parisiens, il a traversé le temps avec charme et dignité, et conserve son aura aux yeux des gastronomes du monde entier.

Plantons le décor ! Occupant toute la largeur du péristyle de Joinville, avec un retour sur la rue de Beaujolais, l’établissement ouvre sur les jardins par trois arcades. L’enseigne « Café de Chartres », qui figure sur la façade côté jardin, porte le nom de l’établissement qui a précédé Le Grand Véfour ; appellation choisie pour honorer le duc de Chartres, fils aîné de Louis d’Orléans, celui qui entreprit le lotissement du Palais-Royal et père du futur Philippe Egalité, dernier propriétaire du Palais avant la Révolution.

La porte franchie, nous voilà transportés deux cents ans arrière ! Ornée de délicates boiseries sculptées de guirlandes de style Louis XVI, l’entrée donne accès à deux salles ; aux murs, les glaces alternent avec les fameuses toiles peintes fixées sous verre. Inspirés des fresques pompéiennes du style néo-classique si prisé sous l’Empire, les thèmes de la décoration – gibier, poissons, fleurs et femmes aux paniers fleuris – éveillent la gourmandise des convives. Au plafond, rosaces et guirlandes en stuc encadrent des allégories de femmes, peintes sur la toile à la manière des plafonds italiens du XVIII° siècle. A l’entresol, une vaste salle ornée de boiseries du même siècle peut accueillir de nombreux convives.

L’origine de ce lieu où naîtra le prestigieux restaurant remonte au XVII° siècle. Pour se rapprocher d’Anne d’Autriche, qui réside au Louvre, Richelieu a fait édifier sur l’emplacement actuel du Palais-Royal un somptueux palais, appelé le Palais-Cardinal, entouré de jardins, œuvre de l’architecte Lemercier. A la mort du cardinal, le palais légué à Louis XIII et à ses héritiers échoit à Louis XIV, qui a fait don à son frère, Philippe d’Orléans. Son fils devenu régent en 1715, entreprend de grands remaniements et modifie les jardins qu’il ouvre au public. Le quartier du Palais-Royal jouit aussitôt d’une vogue qui ne cessera de s’amplifier tout au long du siècle. Le voisinage du Régent n’est sans doute pas étranger à la faveur que connaissent les jardins auprès des Parisiens. Esthète, Philippe d’Orléans attire une foule distinguée aux fêtes somptueuses qu’il donne dans son palais. Gourmet, il trie sur le volet les élus dignes de participer à ses soupers très intimes. C’est précisément dans cette période de la fin du XVIII° siècle que la cuisine française atteint son apogée dans les maisons aristocratiques où l’opulence et le raffinement vont de pair. Dans les jardins très fréquentés du Palais-Royal s’installent des baraquements où il se fait une consommation prodigieuse de glaces aux parfums exotiques, de boissons et de rafraîchissements à la mode, comme le punch.

Quelques années plus tard, le nouvel occupant du palais, Louis-Philippe Joseph, Duc d’Orléans, dit Philippe Egalité, celui-là même qui votera la mort de son cousin Louis XVI, mène grand train. Il se trouve à court d’argent, et l’idée lui vient alors de lotir les jardins de son palais. En 1781 commence une fantastique opération de spéculation immobilière : la construction des galeries de Montpensier, de Beaujolais et de Valois qui entourent les jardins sur trois côtés. Ces galeries de pierre sont reliées par les galeries de bois, remplacées aujourd’hui par la galerie d’Orléans, qui jouissaient de la réputation flatteuse d’être « le rendez-vous de tous les crocs (voleurs), escrocs, filous, mauvais sujets dont abondait la capitale », sans compter les nombreuses « fleurs vivantes qui gagnaient à être connues », logées à l’entresol ! La Montansier, directrice du théâtre de Versailles, possède elle-même dix-sept arcades dont deux sont louées à un établissement de prostitution. En 1784, l’ensemble monumental construit par Louis, l’architecte du théâtre de Bordeaux, et du Théâtre-Français, à Paris, est terminé. Le Palais-Royal, détrônant définitivement le Marais, devient le plus brillant aimant de la vie parisienne et surtout le berceau de la gastronomie française. Les galeries sont publiques ; on peut y circuler en toute impunité jusqu’à une heure avancée de la nuit car le puissant propriétaire des lieux a pris soin d’en interdire l’accès à la police.

De conception très moderne, les soixante pavillons édifiés autour des jardins doivent être loués à des commerçants, qui exploiteront les boutiques sous les arcades, et à des particuliers qui logeront dans les étages. Occupant la largeur de trois arcades, chaque pavillon s’élève sur quatre niveaux. Les amateurs de bons placements se précipitent sur cette manne providentielle dans l’espoir de faire rapidement de bonnes affaires grâce à la clientèle potentielle qui fréquente les jardins.

Le 4 mai 1782, le sieur Aubertot, limonadier de son état, loue sur plan une maison au duc d’Orléans, pour la somme de 14 000 livres par an. L’emplacement qu’occupe aujourd’hui Le Grand Véfour est judicieusement choisi pour lui assurer des chalands fidèles puisqu’il se trouve juste en face du théâtre des Petits Comédiens du comte de Beaujolais qui appartient au troisième fils du duc d’Orléans. Sitôt achevée la construction des pavillons, Aubertot ouvre en 1784 un café à l’enseigne du café de Chartres.

L’opération fut-elle moins rentable qu’il n’avait espéré ? En 1787, pour 300 000 livres, Jean-Baptiste Fontaine achète au duc d’Orléans, contraint à la vente du lotissement par de nouvelles difficultés financières, la maison louée par Aubertot et reprend le fonds du limonadier pour 40 600 livres. Il ne reste au locataire malchanceux qu’une petite chambre sous les combles ! Pourtant, le Café de Chartres était honorablement connu puisqu’il figurait en 1785 dans l’Almanach du Palais-Royal utile aux voyageurs : « Une nombreuse et bonne société se réunit dans ce vaste local pour y lire des papiers anglais et allemands », selon une mode venue d’outre-Manche.

« Les gens d’affaires viennent consommer et jouer aux dames et aux échecs, les étrangers distingués ne manquent pas de s’y installer. » C’est un café chic, les prix en témoignent : « Ils sont aussi élevés que chez son célèbre voisin, le Café du Caveau où l’on paie six sous pour une prétendue tasse de moka quand on a une excellente tasse pour cinq sous au café du Pont-Saint-Michel, mais nous sommes au Palais-Royal ! » ironise Mayeur de Saint-Paul dans son Tableau du Nouveau Palais-Royal, paru en 1788. Il est de bon ton de s’y montrer et l’on y parle beaucoup de politique : au Palais-Royal fermentent toutes les idées qui mèneront la France à la Révolution. Pourtant, Paris ne manque pas d’autres cafés. Sébastien Mercier, le chroniqueur truculent de la fin de l’Ancien Régime, en dénombre pas moins de six cents dans la capitale mais ceux du Palais-Royal, les plus cotés, attirent la clientèle huppée.

L’entreprise de lotissement du Palais-Royal osée par Louis-philippe joseph d’Orléans a rencontré un vif succès auprès des Parisiens. Et ce coup de poker a merveilleusement réussi au bon vivant qu’est le propriétaire des lieux. Qu’on en juge : non seulement ses problèmes d’argent sont résolus, mais il a réussi à créer à proximité de son palais le centre d’animation le plus vivant de Paris, où tous les plaisirs s’offrent à l’amateur : maisons de jeux, cabinets très particuliers, cafés sélects et bientôt les premiers grands restaurants, lancés par la mode du « déjeuner à la fourchette. Cette concentration de la haute restauration parisienne fera beaucoup pour asseoir la suprématie de la cuisine française dans le monde : « Lorsque l’Europe en armes se rua tout entière contre la France, tous les chefs de cette multitude n’avaient qu’un seul cri d’attaque : Paris ! Paris ! Tel fut le cri qu’ils poussèrent des bords du Rhin aux rives de la Seine. A Paris, que demandaient-ils tout d’abord ? Le Palais-Royal ! Au Palais-Royal, quel était leur premier désir ? Celui de se mettre à table chez les restaurateurs, dont ils citaient les noms glorieusement venus jusqu’à eux », écrit Eugène Briffault, l’auteur de Paris à Table, ouvrage qui retrace l’histoire des moeurs alimentaires des Français.

D’ailleurs, le terme de restaurant pour désigner un établissement qui offre au client de la nourriture ne date que du XVIII° siècle ; auparavant, il qualifiait de simples bouillons « restaurants ou revigorants ». Aussitôt apparue, la vogue des restaurants s’amplifie grâce aux Assemblées législatives, qui obligent les députés venus de province à se restaurer avant les séances de l’après-midi, et à la rage d’imiter les anglais qui ont l’habitude de prendre leurs repas dans les tavernes. Entre 1770 et 1789, une centaine de restaurants voient le jour à Paris. Il existait bien auparavant dans la capitale des tables d’hôte et des traiteurs convenables, mais aucun restaurant qui puisse offrir au client un repas à la carte, à toute heure du jour, dans un cadre agréable. L’honneur d’avoir inauguré le premier établissement de luxe à Paris revient à Antoine Beauvilliers, ancien cuisinier du prince de Condé et du comte de Provence, tous deux réputés pour le raffinement de leur « bouche ». En 1788, il achète une maison dans la galerie de Valois, à quelques mètres du Café de Chartres. Pendant quinze ans, le restaurant de Beauvilliers le Magnifique restera le plus illustre, malgré la Révolution qui gronde jusqu’au cœur du Palais-Royal et malgré les nombreux imitateurs qui s’installent à proximité.

Les affaires de Fontaine, propriétaire du Café de Chartres, marchaient bien puisqu’en 1791, quatre ans après son installation et malgré la période troublée, il demande l’autorisation de planter une tente dans les jardins pour agrandir son café et abriter sa clientèle. Poussé par les succès du déjeuner à la fourchette, il sert désormais des mets délicieux qui lui assurent une place honorable parmi les jeunes lions de la restauration – le Bœuf à la Mode, Méot et les Frères Provençaux – et lui attirent une clientèle de gourmets qui s’ajoute à celle des hommes politiques.

Les cafés du Palais-Royal sont devenus des lieux de conspiration et le Café de Chartres devient le quartier général des ultras qui, après Thermidor, organisent des battues contre les jacobins qui se risquent alentour. Par vocation politique, le Café de Chartres sera d’ailleurs toujours dans l’opposition : on lui donne même le surnom de Café des Canonniers ! L’Empire puis les Alliés font du Palais-Royal la « Capoue de la France » : en 1815, les galeries abritent quinze restaurants, vingt cafés, dix-huit maisons de jeux où les Alliés remboursent allègrement les indemnités de guerre versées par les Français – Blücher y perd 15 000 francs en un soir ! -, onze monts-de-piété qui secourent les joueurs malchanceux, et les nombreuses maisons de prostitution des entresols. Le Café de Chartres bénéficie de cette prospérité : les fins gourmets défilent dans ses salons, Murat, le duc de Berry, Rostopchine, et les chantres de la gastronomie : Grimod de la Reynière (cf. Jean-Claude Bonnet, p. 83), père de la chronique gastronomique, Brillat-Savarin, doctrinaire de La Physiologie du goût (cf. Pascal Ory, p. 89), et Berchoux, le poète. Néanmoins, la concurrence est rude sous la galerie de Beaujolais. Les Frères Provençaux, installés en 1786, qui rivalisent avec Véry, établi en 1808, sont réputés les meilleurs. Au Café de Chartres, deux propritaires, Charrier puis Moynault, succèdent à Fontaine avant l’arrivée de Jean Véfour qui fera la gloire de l’établissement, rebaptisé de son nom.

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Guy Martin
Du mardi au samedi, au déjeuner de 12h15 à 13h45, et au diner au premier service à 19h00, ainsi qu’au deuxième service à 21h30 dans la salle historique, terrasse jardin du Palais Royal ou la terrasse péristyle.
Fermeture annuelle estivale du 30 Juillet au 22 Août 2023 inclus. 
* Service voiturier disponible
17 Rue de Beaujolais, 75001 Paris
01 42 96 56 27

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